Un documentaire sur « les origines du sida » suscite une polémique; La thèse du film diffusé sur France 2 est contestée
Sylvie Kerviel, Le Monde, 28 avril 2004
© 2004 Le Monde
FILM
TITRE: Les Origines du sida
AUTEUR: Peter Chappell, Catherine Peix
APRÈS LA DIFFUSION, vendredi 23 avril, à 22 h 50 sur France 2, du film documentaire Les Origines du sida, de Peter Chappell et Catherine Peix, l ‘association Aides et le Conseil national du sida (CNS) ont chacun publié, vendredi 23 avril, un communiqué pour « regretter » la programmation de ce film, dont le contenu est, selon eux, « erroné ».
Proposé dans le cadre du Sidaction, qui a mobilisé l’ensemble des grandes chaînes françaises du vendredi 23 au dimanche 25 avril, ce documentaire reprend l’hypothèse défendue par un journaliste britannique, Edward Hooper. Selon lui, la pandémie de sida aurait pour origine la contamination d’un vaccin expérimental contre la poliomyélite, injecté à un million de personnes à la fin des années 1950 dans le Congo belge (devenu le Zaïre puis la République démocratique du Congo). M. Hooper avait mené une enquête publiée en 2000 dans un livre, The River.
Cette hypothèse, rappellent les communiqués d’Aides et du CNS, a été, à plusieurs reprises, infirmée par des recherches dont les résultats ont été publiés par de grandes revues scientifiques. Jeudi 22 avril, la revue britannique Nature est revenue sur cette affaire, contestant à nouveau cette hypothèse.
Dans « Le Monde Télévision » du 17 avril, notre collaborateur Paul Benkimoun, rédacteur à la rubrique Médecine, écrivait à propos de la thèse défendue par le film de Peter Chappell et Catherine Peix qu’elle va « à l’encontre des travaux scientifiques qui font remonter aux années 1930, en Afrique centrale, l ‘apparition du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Celui-ci serait passé du chimpanzé à l’homme à l’occasion de la blessure d’un chasseur de singes, qui aurait ainsi contracté le virus de l’immunodéficience du chimpanzé, dont il est établi qu’il est l’ancêtre du virus humain. Contrairement à ce qu’affirme le commentaire du film, cette datation n’est pas remise en question » . Il soulignait également les « contresens grossiers » contenus dans ce documentaire et s’étonnait de l’absence de scientifiques renommés spécialistes du sida, à l ‘exception de Simon Wain-Hobson.
« COMPLEXE À EXPLIQUER »
Contestant ces critiques, Catherine Peix, réalisatrice, et Christine Le Goff, productrice, ont adressé au Monde le 21 avril un courrier pour défendre leur démarche. « Nous avons interviewé nombre de scientifiques et nous pouvons affirmer, transcriptions à l’appui, que le consensus sur les origines du sida n ‘est absolument pas unanime, écrivent-elles. Face à des opinions aussi diverses et tranchées, nous avons choisi de ne pas faire de notre film une querelle d ‘experts sur des hypothèses et des contre-hypothèses extrêmement complexes à expliquer et pour la plupart spéculatives. Nous n’avons pas à juger qui a tort ou raison. Le véritable débat scientifique sur la question reste à faire (…). Dans une société civile dans laquelle les débats de santé publique tiennent une place prépondérante, nous revendiquons le droit de questionner un discours scientifique resté trop longtemps fermé au grand public. »
Yves Jeanneau, responsable des documentaires de France 2, défend les auteurs du film. « Ils ne disent pas que la thèse de Hooper est vraie. Ils disent qu ‘elle est plausible », souligne-t-il. Les Origines du sida a été vu, vendredi 23 avril, par 1,1 million de téléspectateurs.